Extrait du site http://perso.wanadoo.fr/alger-roi.net/alger/villages/castiglione/textes/castiglione_pn39.htm

"Ouvriers, artisans, employés, boutiquiers sont de plus en plus frappés par le chômage et sont à l'origine de la Révolution de 1848. La République répond à leur désespoir par des déportations massives et Lamoricière organise le départ "volontaire" des éléments parisiens les plus turbulents. Le 4e convoi à destination d'El Affroun, Castiglione, Tefeschoun, qui comptait 843 personnes, part le 22 octobre 1848 de Paris. Il a été béni par l'archevêque de Paris, Mgr Sibour, et on note la présence d'Edgar Quinet. Ce convoi était sous la responsabilité de trois chefs militaires du régiment des Spahis. Le jour du départ, femmes et enfants des colons se pressaient aux lucarnes des chalands tandis que les époux, assis sur les toitures inclinées des cabanages, entonnaient des chants patriotiques. "Partons pour l'Algérie Allégeons le fardeau de la mère patrie". On a remis à un colon le drapeau de la future colonie. Sur le quai, la cohue était rapidement indescriptible. Une morne tristesse marquait en général les visages tendus des voyageurs. Les enfants, espiègles, inconscients de la tristesse de l'événement, couraient, se glissant partout, se perdant et l'un d'eux manqua même le départ. Son père, désespéré, ne le récupérera qu'à Briare. Le colon avait droit à deux ballots aisément transportables, il revendait ou laissait à ses proches les meubles trop volumineux pour être tolérés dans cet exode (cela ne vous rappelle-t-il rien ?). Les colons étaient transportés par voie fluviale, par des péniches hâlées par deux chevaux ou à "bras d'homme", puis par bateau à vapeur et par chemin de fer à partir d'Arles. Ils sont arrivés le 4 novembre à Marseille. Vous remarquerez la rapidité relative avec laquelle est effectué le transport : on voyageait de jour et de nuit, malgré les dangers. Était-ce pour amoindrir l'inconfort dans le temps ou pour éloigner au plus vite des indésirables de la capitale ? Sur les péniches aménagées pour obtenir un logement "décent" pour 180 colons, chacun disposait d'une place de... 45 cm pour se mouvoir, s'asseoir et se coucher. Un service d'ambulance était organisé dans le bateau d'état-major : les accouchements étaient fréquents bien qu'il soit interdit officiellement aux femmes enceintes d'entreprendre le voyage. Des initiatives individuelles seront remarquables ainsi une femme courageuse s'est vouée aux fonctions d'infirmière ; malheureusement, en passant d'un bateau à l'autre, elle a eu le pied pris et écrasé entre deux plats-bords. A Marseille, elle a dû subir l'amputation d'un orteil, ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre son aventure. Les aventures, les souffrances n'ont pas manqué durant le voyage et l'accueil des populations à chaque étape fut plutôt froid ; les Arlésiens n'ont pas été plus enthousiastes que les Lyonnais ou les Châlonnais : plus d'un reçoit ces "Républicains" pistolet au poing, les refoule ou les cantonne sur de la paille jetée dans un hangar ouvert à tous vents quand ce n'est pas dans une cave dont il cadenasse la porte, de crainte d'être "assailli" par "ces gredins". A nouveau, la livrée du malheur se transforme en brevet d'infamie. Fourbus, découragés par le crescendo dans l'inconfort, l'absence d'accueil compréhensif, certains colons envisagent de renoncer à l'émigration mais la plupart embarquent à bord du Montezuma dont le capitaine s'appelle Cunéo d'Ornano. La traversée est terrible : mal de mer, nourriture exécrable, mais l'accueil à Alger est généreux et agit comme un baume sur les souffrances de nos colons qui rejoignent... à pied... leur village... quasi inexistant. Le réveil est en effet cruel ; peu ou pas d'installations d'hébergement, des terres en friche dont (exploitation sera un véritable calvaire. Nous pouvons être fiers de nos ancêtres ; ils n'ont pas manqué de courage. Après un voyage de plusieurs jours, ils débarquaient à Alger où ils furent l'objet d'une manifestation affectueuse et chaleureuse de la part de leurs compatriotes installés depuis une dizaine d'années. Partis d'Alger, ils arrivèrent à Castiglione après un voyage de deux jours. Les familles furent logées dans des baraques. Elles dépendaient de l'autorité militaire et recevaient le ravitaillement de la place du Coléa. Chaque colon reçut une concession de 12 hectares à défricher et à cultiver. La vie fut très dure pour les nouveaux concessionnaires car ils avaient à lutter contre la chaleur à laquelle ils n'étaient pas habitués, contre la maladie, la fièvre, les bêtes féroces et les privations de toutes sortes. Leur volonté, leur ténacité, leur courage eurent raison de tous ces obstacles et, quelques années après l'arrivée de ces pionniers, Castiglione était un petit village où se dessinaient des parcelles de terrain qui produisaient du vin et des légumes secs. En 1854, le village fut érigé en commune de plein exercice : son premier maire s'appelait Pierre Schlisler. "

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait du site http://aj.garcia.free.fr/site_hist_colo/livre3/L3p281.htm

 

COLONISATION EXTRAORDINAIRE. LES COLONIES AGRICOLES DE 1848

Le Comité spécial de l'Algérie de l'Assemblée Nationale allait apporter un projet de colonisation, lorsqu'il fut devancé par le ministre de la Guerre. Le décret-loi du 19 septembre 1848 ouvrit au ministre de la Guerre un crédit de 50 millions, pour être spécialement appliqué à l'établissement de colonies agricoles en Algérie et aux travaux d'utilité publique destinés à assurer la prospérité de ces colonies. Le chiffre des colons était fixé à 12 000 pour l'année 1848. On distinguait les colons cultivateurs ou qui déclaraient vouloir le devenir et les ouvriers d'art. Les colons cultivateurs recevaient une habitation, un lot de terres de 2 à 10 hectares, des semences, des instruments de travail, du cheptel, des rations de vivres. Au bout de trois années, les concessions devaient être mises en valeur sous peine de dépossession. Une commission nommée par le chef du pouvoir exécutif devait vérifier les titres des colons et désigner ceux qui seraient appelés à bénéficier du décret. Un arrêté du ministre de la Guerre du 27 septembre 1848 détermina les mesures de détail propres à assurer l'exécution du décret de l'Assemblée Nationale. Enfin la loi du 18 novembre 1848 éleva de 12 000 à 13 500 le nombre des colons. La commission chargée d'examiner les demandes des candidats à l'émigration, présidée par Trélat, comprenait six représentants du peuple, deux maires de Paris, deux médecins, trois fonctionnaires du ministère de l'Intérieur. On voulait que les premiers colons fussent en route avant le petit terme du 8 octobre et on les destinait au village de Saint-Cloud, créé aux environs d'Oran. Sur la Seine, d'immenses radeaux amarrés au quai de Bercy recevaient les émigrants avec leur mobilier. Ils devaient voyager sous la conduite du capitaine du génie Chaplain, appelé à diriger les travaux d'installation du village et d'un père de famille sur chaque bateau. Les colons partirent au milieu d'un grand enthousiasme; après la bénédiction donnée par l'archevêque de Paris, La Moricière remit un drapeau aux émigrants et prononça un discours : " C'est au travail intelligent et civilisateur, disait-il, d'achever ce que la force a commencé. La poudre et la baïonnette ont fait en Algérie ce qu'elles pouvaient faire, c'est à la bêche et à la charrue d'accomplir leur tâche. " Le long convoi démarra, tandis que les musiques jouaient la Marseillaise et que la foule amassée sur les deux rives poussait des acclamations. A Melun, les colons, qu'on prit pour des insurgés de juin, furent assez mal accueillis. Quarante-deux colonies furent ainsi créées : 12 dans la province d'Alger, 21 dans la province d'Oran, 9 dans la province de Constantine. Les villages de la province d'Alger étaient Castiglione et Tefeschoun, aux environs de Koléa, Novi et Zurich aux environs de Cherchel, Marengo, El-Affroun, BouRoumi entre Cherchel et Blida, Lodi et Damiette dans la région de Médéa, la Ferme et Pontéba aux environs d'Orléansville, Montenotte près de Ténès ; dans la province d'Oran, la mieux partagée des trois, les villages furent groupés aux environs d'Oran (Hassi-Ameur, Hassi-ben-Ferah, Hassi-ben-Okba, Hassi-bou-Nif, Saint-Louis, Fleurus, Mangin), aux environs d'Arzew (Saint-Cloud, Saint-Leu, Damesme, Arzew, Moulay-Magoun, Kléber, Méfessour) et aux environs de Mostaganem (Aboukir, Rivoli, Toumin, Karouba, Aïn-Nouissy, Ain-Tedlès, Sour-el-Mitou) ; il y avait une soixantaine de concessions par village, sauf à Saint-Cloud où le périmètre était plus important. Dans la province de Constantine, on fonda Gastonville, Robertville, Jemmapes, dans la région de Philippeville ; Mondovi, Barral dans la région de Bône ; Guelma, Héliopolis, Millésimo, Petit dans la banlieue de Guelma ; les villages étaient ici moins nombreux, mais plus importants que dans la banlieue d'Oran ; chacun d'eux comptait 3 000 colons. Pierre François obtient donc sa concession le 16 novembre 1848 à Tefeschoun. Le 18 mars 1853 il obtient son titre de concession définitive ; Il devient propriétaire de : - 1 lot urbain n° 19 de 6 ares, pour y construire sa maison - 1 lot de vignes n° 41 de 24 ares - 1 lot de jardin n° 9 de 23 ares et 70 centiares - 1 lot de prairie n° 55 de 2 ha 8 ares et 90 centiares - 8 lots de terres de grande culture n° 66, 67, et 247 à 252 de 8 ha et 3 a 50 ca. Il sait qu'il ne peut aliéner cette terre, du moins pas avant le 1er janvier 1855, car il risquerait de devoir rembourser à l'état une somme de 3 457 francs, montant des dépenses faites pour son installation Le village de Tefeschoun se compose alors de 64 familles. Le 30 juillet 1849, à Koleah, Le petit Napoléon César voit le jour. Si on fait un calcul rapide, il semblerait qu'il ait été conçu sur le Montezuma, ou tout de suite après l'arrivée de ses parents en Algérie. C'est le premier enfant naît sur la terre d'Algérie. Sa sœur Marie Louise Rosalie a déjà 4 ans, et sa sœur Léontine Stéphanie a 3 ans, toutes deux nées à Paris. Le 19 mars 1856 naît la troisième petite fille, Alice Clara, toujours à Tefeschoun. La vie se passe normalement ; Pierre François cultive sa terre, et Marie Louise s'occupe des enfants et de la maison. " Les colons de 1848 furent très éprouvés par les fièvres paludéennes, par la dysenterie, par les épidémies de choléra de 1849 et de 1850; les récoltes des premières années furent fort mauvaises. Ils firent preuve de beaucoup d'endurance et c'est merveille, vu les conditions et les circonstances de la tentative, que l'échec n'ait pas été plus complet. "